Fanny, Cathy, Sébastien,

Nous ne nous connaissons pas. Pourtant depuis un mois je crois que je n’ai pas connu un jour sans que mon esprit se détourne vers vous à un moment de solitude de mes journées… pensant, imaginant à quoi vous pensez à chaque instant, à chaque minute, à chaque seconde, à chaque souffle de vos respirations… et cela toutes les heures, tous les jours, depuis cinq semaines déjà et pendant encore probablement tous les mois et toutes les années qu’il vous reste de vie…

La VIE, cette chose si précieuse qu’un destin impudique, indécent et plein d’ingratitude décida d’enlever à Antonin votre fils… Antonin, le grand frère unique de Fanny qu’elle ne verra plus jamais dans le miroir de ses yeux grands ouverts comme: le plus grand héros de son cercle de vie à ELLE… Oui, qu’elle ne verra plus que chaque fois qu’elle aura ses yeux fermés pour faire renaitre son sourire, en le ressortant d’un souvenir, d’un rêve ou d’une étoile de lumière infinie qui éclairera désormais et à jamais l’endroit le plus essentiel de sa mémoire… que nul ni rien n’éteindra jamais.

Il y a déjà un mois que le plus inique des sorts réunit au mauvais carrefour, au mauvais moment, au mauvais instant: cet injuste face à face entre un camion et les ailes d’un ange qui passait par là… et je me dis à quoi tient tout cela: si le camion s’était présenté là une minute plus tard, si les feux tricolores avaient été en panne, si un orage de pluie diluvienne avait été la météo de ce matin… Si Antonin avait fait une grace matinée de cinq minutes de plus, s’il avait pédalé un peu moins vite pour s’échauffer ce matin-là et arriver à ce feux rouge quelques secondes plus tard… Et si … et si … et si … ; je n’aurais jamais été là à essayer de poser quelques mots sur les maux qui sont aujourd’hui les vôtres, ceux de cette insoutenable épreuve, de ce pire cauchemar et qui ne vous quitteront que quelques secondes de temps en temps quand vous devrez obligatoirement penser à autre chose au milieu de la routine du travail, de l’école … ou quand vous sentirez autour de vous l’ouragan immense de l’amour de tous ceux qui vous entourent.

Voilà… je ne sais ni quoi ni comment vous dire mais j’avais quand même envie de vous exprimer ce qui m’habite… partager ce terrible sentiment qui vous broie et pour ce qui me concerne … réduire à dérisoires, insignifiants et « Infiniment Rien » les quelques problèmes de mon quotidien. Je sens mon corps révulsé de dégout et de colère en désignant ce hasard si abject et si injuste à l’égard de l’espoir si magnifique que représentait et incarnait Antonin sur tant de plans de sa vie… que ce fut par rapport à son talent assis sur la selle de son vélo ou par rapport à l’orgueil et la fierté que chacun de ceux qui le connaissaient, le côtoyaient ou l’aimaient … sentaient pour lui en faisant partie de son cercle proche.

Parfois le silence est la meilleure réponse ou don de soi pour respecter la douleur de l’autre… le meilleur témoignage pour dire : « Mais que puis-je faire pour atténuer un si immensément petit PEU votre douleur et votre peine » … et l’on se sent si impuissant, si « Rien du tout », si démuni, parfois même si coupable quand une telle innocence est fauchée dans la fleur de l’existence alors qu’il eut été moins injuste de se voir partir avant et laisser la place à un ange de continuer de s’épanouir de la beauté de cette VIE quand celle-ci récite son versant le plus sublime et surtout pas celui le plus détestable !

J’espère, je vous souhaite furieusement que vos instincts de continuer à vivre soient plus forts que tout et même sans vous connaître, je sais, je crois, je sens que vous avez encore « Parents », un amour infini à donner à Fanny et à tous ceux qui représentent vos proches, vos ami, qui eux aussi vont vouloir vous donner plus encore un peu de leur affection, leur sollicitude, leur attention, leur présence… leurs mains tendues. Je ne doute pas que vous trouverez la force nécessaire dans l’énergie positive et bienveillante de tout ce qui vous entoure … et bien sûr aussi dans la mémoire et le souvenir de celui qui là-haut continue de pédaler « pour » vous et « en » vous comme si vous aviez écrit et prévu d’atteindre ensembles la cime la plus haute : La victoire de votre quatuor insubmersible !

Depuis très longtemps je suis moi-même éducateur et entraineur de jeunes dans le sport qui me passionne. Je vois dans cette jeunesse : la force qu’elle me procure pour continuer à me mettre à son service et à donner un peu de ce que la vie m’a enseigné. Je crois que plus que jamais, je continuerai à transmettre ces quelques acquis et valeurs en pensant à la réalité que l’un d’entre ces jeunes aurait pu être Antonin… plein d’insouciance, de spontanéité, de pureté mais aussi de fragilité, de naïveté … et de besoin de protection. Je crois que je retiendrais de l’insupportable absence d’Antonin pour les vôtres : ce qu’il faut donner d’amour à tous ceux qui restent et souffrent de ce vide abyssal que l’on ne comble avec rien et que même le temps qui passe n’arrive jamais vraiment à apaiser.

Je suis tombé sur le site en ligne que vous avez dédié à Antonin … c’est à la fois magnifique, émouvant mais aussi un refuge à larmes, regrets, colère intérieure. J’ai dû apercevoir Antonin à la lisière d’un nuage tout en haut, il devait se dire : « Mais pourquoi ils ont fait tout ça pour moi, je n’ai quand même pas gagné le « Tour de France » … C’est vrai bonhomme, la vie ne t’a pas donné le temps de cela mais tu as fait bien plus fort : tu as gagné le cœur de TOUS et réalisé le plus grand des Tours… et cette médaille-là, elle est en diamant … et elle le restera à tout jamais !

En éteignant mon ordinateur hier soir, j’ai dû y penser toute la nuit… je voulais vous dire cela, comme je le portais dans mon ventre, j’ai pensé que l’anonyme que j’étais devait écrire ces quelques lignes … Je ne savais pas si l’écrire sur votre site ou si vous l’envoyer plus personnellement… c’est ce que j’ai choisi pour être sur de ne pas vous blesser ou être en décalage de ce que vous vivez depuis le milieu de ce sinistre été. Bien sur, si vous le souhaitez, vous pouvez mettre ce témoignage en ligne, ce que vous déciderez m’ira très bien. Peut-être que je vous croiserai un jour, juste pour vous embrasser : Fanny, Cathy …et en tenant la main de Sébastien peut-être alors que vous percevrez dans mes yeux brillants ce que de toute mon âme je me sens si près de VOUS … tout autant que de LUI !

Ma main sur vos épaules …

Posté par Anibal Castano